Cologny, Fondation Martin Bodmer, L-37.1
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Notice de Nicolas Ducimetière, Fondation Martin Bodmer, 2017.

Titre du manuscrit: Abraham Lincoln, Lettre à William H. Herndon
Origine: Washington
Période: 10 juillet 1848
Support: Papier
Volume: 3 pages sur un bi-feuillet
Format: 250 x 199 mm
Sommaire:
  • En juillet 1848, au terme de deux années d’une guerre d’abord impopulaire contre leur voisin mexicain, les Etats-Unis viennent de triompher, avec de faibles pertes et de gros gains territoriaux : le traité de Guadelupe Hidalgo a fait passer sous bannière étoilée la Californie, le Nevada et l’Utah, sans compter de notables agrandissements de l’Arizona, du Colorado, du Nouveau-Mexique et du Wyoming. Parmi les principaux opposants au conflit figurait un jeune élu du parti Whig au Congrès : Abraham Lincoln (1809-1865). Le jeune avocat avait accusé le président Polk d’avoir utilisé des incidents de frontière mineurs pour déclencher une guerre injuste, servant ainsi ses ambitions et celles du parti démocrate. Mais son engagement déplut également à ses propres électeurs de l’Illinois, plutôt favorables à la conclusion positive du conflit. A l’été 1848, l’influence politique de Lincoln était donc sérieusement compromise : la fin de son mandat approchait et il semblait certain qu’il ne serait pas reconduit.
    Demeuré dans leur étude de Springfield, le jeune associé de Lincoln, William H. Herndon (1818-1891), avait informé son mentor, par des lettres régulières, de l’état d’esprit des électeurs de l’Illinois. Conscient de la crise qui agitait le parti Whig, Herndon s’était laissé aller à quelques confidences désabusées dans la presse locale, critiquant notamment les « old fossils » qui empêchaient les jeunes militants de s’exprimer. Il avait ensuite envoyé les articles en question (« newspaper slips ») à son associé, lequel lui répondit par la présente lettre datée du 10 juillet 1848. Fatigué par des mois de batailles politiques, Lincoln avait été blessé par les propos « exceedingly painful » de son associé : bien que neuf ans à peine les séparent, il lui semblait se reconnaître comme « one of the old men » dénoncés par Herndon. Non sans ironie, il se disait prêt à accepter toutes les leçons politiques de la jeune garde et à la soutenir dans ses combats. Mais il souhaitait tout de même glisser quelques conseils bien sentis à celui qu’il décrivait avec chaleur comme « a labourious, studious young man [ ], far better informed on almost all subjects than I ever have been ». Ceci précisé, Lincoln, ayant « the advantage of you in the world’s experience merely by being older », mettait en garde son jeune ami contre « a fatal error » : croire utiles la suspicion et la jalousie. Si tout débutant pouvait être en butte à des obstacles dressés sur sa route, il convenait de les ignorer et de ne pas se laisser détourner du but fixé : « la manière pour un jeune homme de s’élever est d’emprunter par lui-même toutes les voies qu’il pourra, sans jamais suspecter que quiconque veuille l’en empêcher ». Ainsi demeurait-on sur le « true channel ». Et Lincoln d’achever ce courrier presque paternel par la mention « Your friend, as ever », car, en dépit de ce léger nuage, l’amitié entre les deux hommes ne devait jamais plus se démentir.
Acquisition du manuscrit: vente Hôtel Drouot, Paris, 22 novembre 1968, expert Heilbrunn
Bibliographie:
  • Ward H. Lamon, The Life of Abraham Lincoln, Boston, 1872, pp. 296-297.
  • William H. Herndon, Herndon’s Lincoln – The True Story of a Great Life, Chicago, Belford-Clarke Co., 1889, p. 285-286 (reproduction intégrale du texte de cette lettre qualifiée de « so clearly Lincolnian and so full of plain philosophy »).
  • Nicolas Ducimetière, « Le Monde de l’Autographe : Abraham Lincoln », dans ArtPassions, n° 39, Genève, 2014, pp. 52-53.